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Jacques Gaillot: ce que je crois
Grasset-Desclée de Brouwer, Paris 1996, 150 p Jacques
Gaillot vient de publier un nouveau livre, de style totalement différent
de celui de ses précédentes publications. Voici l'analyse qu'en
propose un de ses collaborateurs.
Les auteurs, souvent fort célèbres, invités à
s'exprimer dans la grande collection "Ce que je crois", le font
habituellement en racontant leur vie, leur évolution et la façon
dont ils sont parvenus à certaines convictions.
Pour sa part, Jacques Gaillot a délibérément choisi
un tout autre mode d'expression: racontant une quinzaine d'histoires vécues,
il médite sur leur sens possible, et il en fait ainsi de véritables
paraboles. Sans formulation doctrinale, il nous introduit dans sa perspective de
croyant confronté aux problèmes de ce monde.
Ces histoires se situent à plusieurs niveaux: elles peuvent porter
sur une simple rencontre: quelques jeunes maghrébins, dans le froid et la
nuit ; un chauffeur de taxi qui se met tout à coup à raconter sa
vie et à jubiler en pensant à la communion de son fils le
lendemain; l'heureux père d'une petite fille, qui, apercevant Jacques
Gaillot à la terrasse d'un café, lui demande de venir chez lui bénir
son enfant nouveau-né. Mais il y a aussi la confrontation à des
problèmes plus tragiques: une mère dont la fille a été
tuée dans un attentat voudrait encore croire à une vie possible;
une jeune fille veut se faire avorter parce qu'on a tué son ami maghrébin;
avant de mourir un sidaïque ravi de pouvoir enfin dire son lourd secret
d'homosexuel à sa mère; drame d'Ali, l'exclu enfoncé dans
sa nuit par d'autres marginaux de notre société. Il y a les
histoires qui touchent soudain l'ensemble de cette société,
remettent en question notre vision des choses ou des politiques: les réfugiés
de l'Eglise Saint Bernard, la destruction de "l'arbre à palabre"
et le relogement des humains dans des " petites boîtes ". Il y a
le problème de la bombe atomique, posé autour de la grande figure
de Théodore Monod, ou celui de l'assassinat des moines de Tibéhirine
et des relations concrètes avec un Imam ami. Récits de messe, rue
du Dragon, de l'enterrement (en douce) des cendres d'un clochard dans le jardin
de St-Germain-des-Prés. Méditation sur l'Eglise, arbre qui doit
plus que jamais s'enraciner en l'homme pour tenir bon dans la tempête. A
travers tout cela, Jacques Gaillot dit sa foi, ouvre la porte de l'espérance,
parle d'amour. Rien d'une encyclique: un credo vivant; un acte de foi.
Jean-Pierre Bagot |