La lettre de Jacques Gaillot
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Le Chiapas: Un espoir menacé |
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Le Chiapas: Un espoir menacé
La grande majorité étaient des jeunes engagés sur le terrain des droits de l'Homme, très motivés par l'expérience Zapatiste du Chiapas. Ils sont, pour la plupart, hors et loin des Eglises, mais ils savent reconnaître la dignité populaire de l'Eglise de San Cristobal et de son pasteur: Mgr Samuel Ruiz, qui récemment a échappé à deux attentats. Notre présence, en tant qu'étrangers, fut mal perçue par les autorités mexicaines et les médias qui dénoncèrent cette ingérence dans les affaires intérieures du pays. La peur xénophobe des autorités nous aura au moins permis d'avoir chaque jour les honneurs de la presse! Comment se fait-il que le Chiapas suscite tant d'échos à travers le monde? Pourquoi ce petit pays - qui pourrait être un paradis s'il connaissait la paix- fait-il naître un tel espoir en cette fin de siècle? Est-ce à cause de la personnalité emblématique du sous-commandant Marcos qui est à la fois stratège et poète? Est-ce à cause de la beauté du pays et de San Cristobal de las Casas, capitale culturelle, si appréciée des touristes? Ces raisons ont leur importance, mais la plus décisive me paraît se situer ailleurs. Le Chiapas est devenu le seul lieu au monde où existe une manière de vivre et de s'organiser aussi singulière. Voici une révolution indigène qui ne veut pas prendre le pouvoir, mais le construire. C'est à la société civile de prendre le pouvoir. C'est une autre démocratie, non pas représentative mais participative. Et il y a une si belle harmonie entre la tradition et la modernité! Sur des banderoles, j'ai pu lire des paroles du sous-commandant Marcos qui donnent sens à cette révolution:
Cette expérience portée par tant d'espoirs depuis 1994 est gravement compromise. Le massacre de Noël, perpétré par des paramilitaires, a fait 45 morts, pour la plupart des femmes et des enfants, et 34 blessés. Un prêtre français, Michel Chanteau, curé depuis 32 ans dans le village de Chenalho où s'est déroulé le drame, a eu le courage de dénoncer la responsabilité du Gouvernement dans ce massacre. Il n'en fallait pas plus pour qu'il soit aussitôt expulsé. J'avais passé ma dernière soirée avec lui et quelques amis à San Cristobal. Il se savait menacé de mort mais son désir était de rester auprès des Indiens, comme un bon pasteur, quels que soient les risques. Son expulsion donnera à d'autres le désir de venir, ou de revenir dans ce pays si attachant, pour que l'espoir ne soit pas tué. (*) Front Zapatiste de Libération Nationale.
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