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Réhabiliter la politique
La politique n'a pas bonne presse. Les "affaires" détournent de ce milieu pourri. La division des partis et la confusion qui s'ensuit brouille les enjeux. La masse d'informations reçues n'éclaire pas pour autant. Le sentiment d'impuissance qui naît devant la complexité ou l'urgence des décisions rend amorphe. La tentation est grande de se désintéresser. Les abstentions massives pour les élections européennes sont le signe de ce désintérêt. Et pourtant ? C'est notre sort qui est en jeu ; c'est le fonctionnement de nos démocraties. Préférerions-nous un régime totalitaire, dont l'histoire passée et actuelle nous montre les ravages ?
La commission sociale des évêques de France s'est émue de ce rejet de la politique et, pour revaloriser son image, a publié le 23 mars 1999 un texte intitulé Réhabiliter la politique. Les chrétiens ne peuvent pas rester indifférents à la politique. Ils sont citoyens et leur idéal religieux les poussent à se soucier du bien commun. Il n'y a pas de séparation entre la cause de Dieu et la cause des hommes. Ce texte veut encourager ceux et celles qui veulent contribuer au vivre ensemble. Il présente la politique comme une oeuvre collective et une grande aventure humaine. Il rappelle le primat de la dignité de la personne humaine et conçoit le pouvoir comme un service et non comme domination.
Il fait l'éloge de la démocratie comme étant le modèle de gouvernement le plus humanisant. On est heureux d'y lire que " la démocratie de représentation a grand besoin d'être renouvelée, notamment par un plus grand accès des femmes aux fonctions publiques".
Il est plein d'optimisme sur la construction de l'Europe et insiste sur son ouverture au monde : " Il faudra apprendre (...) à donner plus d'importance au genre de vie qu'au niveau de vie, à la qualité des relations de réciprocité qu'à l'accumulation des biens".
Ce texte ne se dissimule pas les difficultés et partage le sentiment que les gouvernants sont impuissants à résoudre les grands problèmes actuels et à dessiner un avenir : " Des hommes et des femmes engagés en politique se montrent souvent incapables d'opérer des réformes profondes et nécessaires, d'anticiper sur le futur. Leurs décisions sont prises pour le court terme, trop souvent dans une perspective électoraliste". Les évêques déplorent aussi l'éloignement des centres de décision : " Une classe dirigeante qui serait coupée des préoccupations quotidiennes de la population ne pourrait pas tenir ses promesses. Le fossé s'élargit entre l'offre des institutions et la demande des citoyens".
Le document se termine par un appel à la cohérence : " (...) nous renouvelons l'appel à constituer des espaces de rencontre, de partage et de confrontation entre personnes diversement engagées dans la politique, afin de dégager une cohérence toujours plus grande entre l'engagement personnel et l'appel de l'Evangile". Belle et utile exhortation ! C'est à un sursaut citoyen que tous et toutes sont invité/e/s.
Un tel appel aurait plus d'impact si l'Eglise donnait d'elle-même une image d'ouverture démocratique dans son gouvernement. L'épiscopat français en est conscient : "L'Eglise n'est jamais dispensée de répondre aussi pour elle-même à ces appels qu'elle adresse à la société. Pour annoncer l'Evangile au monde, elle doit en même temps l'accueillir et le pratiquer, dans la façon dont elle s'organise et dont elle exerce sa mission".